Le 4 juillet dernier, l’Eurométropole de Strasbourg (EMS) a permis à la Maison du Compost et Zéro Déchet Strasbourg de visiter le site de méthanisation de Lingenheld à Obershaeffolsheim.
C’est un groupe d’une quinzaine de personnes qui a donc pu se rendre sur place et comprendre plus concrètement le fonctionnement du principe de méthanisation et de fabrication de biogaz à l’échelle industrielle.
Le fonctionnement
La méthanisation est un processus de décomposition de la matière organique en l’absence d’oxygène (anaérobie). Les microorganismes qui dégradent la matière produisent ainsi un mélange gazeux composé en majorité de méthane (CH4) à 55 %, de dioxyde de carbone (CO²) à 45% et de traces d’hydrogène sulfuré (H2S).
Ce mélange gazeux fait l’objet d’un processus d’épuration qui permet de filtrer les différents gaz et d’isoler le méthane. Ce dernier est ensuite réinjecté dans le réseau par R-GDS. La méthanisation peut également cogénérer de l’électricité et de la chaleur en même temps, produire de la chaleur, et du carburant. Sur le site de Lingenheld, le méthane est réinjecté dans le réseau et la chaleur produite et réemployée directement sur place.
La méthanisation produit également un résidu appelé « digestat » à la fois solide et liquide. Le digestat solide est composté sur une autre parcelle du site d’Oberschaeffolsheim avec des déchets verts puis épandu sur les exploitations agricoles. Le digestat liquide, quant à lui, est épandu directement sur les exploitations agricoles comme fertilisant.
Les intrants ou matières qui alimentent le méthaniseur
Différentes sources de biodéchets sont acheminées par camion sur le site de Lingenheld. On peut les distinguer en 3 grandes catégories :
- Les déchets verts et les déchets de cuisine et de tables (DCT) issus des collectivités locales. Le contenu des bornes de collectes déployées progressivement sur l’ensemble de l’EMS viennent alimenter le site de méthanisation par exemple.
- Les déchets de l’industrie agroalimentaire comme la transformation de fruits et de légumes, pulpes de betteraves, résidus de brasseries (drêches), huiles, graisses, sirops, équarrissage, déchets de boulangerie etc …
- Les déchets agricoles comme les fumiers, lisiers, résidus de cultures (pailles, cannes de maïs) ou les cultures intercalaires à vocation énergétiques (CIVE).
Une solution complémentaire au compostage de proximité ?
Les avantages de la méthanisation
Pour l’heure, le site de méthanisation permet de traiter 15 000 tonnes de déchets par an. La part de biodéchets issus des collectes en bornes de l’EMS représente 500 tonnes. L’objectif est d’atteindre 6 000 tonnes pour ces mêmes biodéchets. Lingenheld, en parallèle, prévoit la construction d’un deuxième digesteur pour accroître sa capacité de traitement d’ici à 2024.
La méthanisation permet de valoriser une diversité plus importante de déchets et la production énergétique ainsi que le digestat qu’elle génère sont plus vertueux que l’incinération. Sa capacité de traitement de déchets en volume est également augmentée. Enfin, les débouchés sont multiples entre le biométhane injecté dans le réseau de gaz, la cogénération d’électricité et de chaleur, le combustible pour chaudière, le carburant ou bio Gaz Naturel Véhicule (bioGNV) et le digestat utilisé comme fertilisant pour les cultures.
Les inconvénients
Cependant, le modèle repose sur une logistique très dépendante des transports source de gaz à effet de serre. La production du biogaz implique des installations complexes. Le coût financier d’une telle logistique est non négligeable.
Qu’advient-il des gaz produit (CO², H2S …) pendant la fermentation qui ne sont pas réinjectés dans le réseau ?
L’export de matière organique, qui constitue une véritable richesse pour la fertilité des sols, vers des systèmes de production énergétique pose question. En effet, les résidus de culture, les cultures intermédiaires, les fumiers et lisiers compostés sont une source importante en matière organique permettant de maintenir, voire d’augmenter, la fertilité des sols. En activant la vie du sols (micro et macroorganismes comme les bactéries, champignons ou les vers de terre), ces résidus apportent de la nourriture aux plantes, évitent l’érosion du sol et permettent une meilleure rétention de l’eau etc … Les détourner des sols vers des sites de méthanisation pour produire de l’énergie par exemple n’est pas un choix anodin et mérite d’être discuté.
Enfin, l’impact des digestats sur la qualité et la biologie des sols gagnerait à être davantage étudié sur le plan scientifique.
Et le compostage de proximité dans tout ça ?
Composter dans son jardin, au pied de son immeuble et sur un site partagé reste un modèle vertueux à tester en première intention.
Pas ou peu de déplacement en voiture, un système « low-tech », c’est-à-dire, simple à mettre en place, à faire fonctionner et appropriable de tous.tes qui permet un retour à la terre des biodéchets. Le compost ainsi produit peut venir enrichir vos plantes d’intérieur, vos jardinières et balconnières et vos jardins.
Certes, un tel modèle peut difficilement absorber l’intégralité des biodéchets d’une collectivité comme l’EMS mais il peut faire sa part. Si la liste des biodéchets acceptés par la plupart des sites de compostage peut paraitre plus restrictive que les bornes de collectes, la viande, les produits laitiers et le pain ne représentent en moyenne que 5 % du contenu de vos bio sceaux.
Par ailleurs, les permanences des composteurs sont des lieux de rencontres entre les habitants d’un même quartier d’où peuvent émerger d’autres projets citoyens. Ils permettent l’échange d’information et favorisent la sensibilisation de chacun·e au zéro déchet, à la lutte contre le gaspillage alimentaire ou au jardinage au naturel.
Ne pas être ouvert 7 jours sur 7 et 24h sur 24 est sans doute plus contraignant mais c’est le prix de la rencontre qui repose avant tout sur le bénévolat et donc sur des échanges non marchands.
Un équilibre reste donc à trouver entre le compostage de proximité d’une part et la collecte en borne destinée à la méthanisation d’autre part. A chacun·e de trouver son modèle entre complémentarité ou exclusivité et il n’y a pas de bonne ou de mauvaise solution mais un choix éclairé à réaliser.
Enfin, d’autres solutions complémentaires existent au-delà de la méthanisation et du compostage de proximité. On peut penser, en effet, au compostage industriel ou au compostage en bout de champs qui pourraient également permettre de valoriser une partie des biodéchets sur le territoire de l’EMS.
Pour aller plus loin
- https://librairie.ademe.fr/produire-autrement/5026-la-methanisation-en-10-questions-9791029718694.html
- Karimi B., Sadet-Bourgeteau S., Cannavacciuolo M., Chauvin C., Flamin C., Haumont A., Jean-Baptiste V., Reibel A., Vrignaud G. et Ranjard L., 2023 – Impact des digestats de méthanisation sur la qualité microbiologique des sols agricoles : état des connaissances, Étude et Gestion des Sols, 30, 169-194