La Maison du Compost vous partage une tribune co-signée par le Réseau Compost Citoyen !
A l’occasion de la Journée mondiale des sols, le 05 décembre, alors que 40 % des sols du monde sont dégradés (ONU, avril 2022), que le prix des engrais s’envole, alors que 38 % de la poubelle « normale » des Français pourrait, sous forme d’un compost disponible localement et moins volatil en prix, nourrir les sols (ADEME, novembre 2021) pour produire notre alimentation, agriculteurs, collectivités, professionnels du compostage, experts et scientifiques s’unissent pour encourager les Français, au-delà de la réglementation en cours et à venir, à accélérer la mise en place du tri des déchets alimentaires et leur valorisation en compost.
Les crises du gaz et du pétrole actuelles ont un impact de plus en plus net sur le quotidien et le pouvoir d’achat des Français.
Avec les fluctuations du prix du gaz, la plupart des usines d’engrais européennes sont à l’arrêt et leurs prix s’envolent. La (sur)utilisation d’engrais azotés est par ailleurs un désastre économique et écologique : émissions importantes de gaz à effet de serre via le processus de fabrication, de transport et d’épandage, pollution des nappes phréatiques, épuisement et destruction de la biodiversité du sol, qui entraîne une dépendance aux pesticides.
L’actualité fait ressortir l’évidence que ce modèle d’agriculture, basé principalement sur les ressources fossiles, est à bout de souffle. Les terres, dépendantes aux engrais, sont comme mises sous perfusion et retournées à coup de labour. Elles se dégradent à vitesse grand V.
Le 5 décembre est la Journée Mondiale des Sols. Une journée ne suffira pas pour les restaurer. L’année 2023 et même la décennie à venir doivent être consacrées au soin de nos sols. Et nous pouvons tous y contribuer.
Artificialisation, érosion, pollution, perte de biodiversité … le sol sous nos pieds est mis à rude épreuve, sa vie s’éteint à petit feu, et ce, dans le plus grand silence. Nous avons tendance à oublier que ce sol, sous nos pieds, nous nourrit, filtre et retient l’eau, et nous rend de multiples services. Nous oublions aussi qu’il peut être l’un des leviers les plus efficaces dans la lutte contre le dérèglement climatique, par sa capacité à stocker une partie du carbone que nous émettons.
Un sol en bonne santé est un sol vivant, riche en matières organiques. Leur retour au sol, pourtant pratiqué depuis toujours, partout dans le monde, a perdu du terrain avec l’accès facile aux engrais et à leur effet “coup de fouet” sur les cultures en agriculture dite « conventionnelle ».
Pourtant ces matières organiques sont là sous nos yeux. Et si la solution était cachée dans nos poubelles et nos égouts ?
Nous nous nourrissons grâce à ce qui pousse dans la terre. En cuisinant, nous produisons des restes alimentaires qui représentent 30% de nos poubelles, puis en mangeant, nous digérons et nous produisons urine et matière fécale, elles aussi riches en nutriments. Ces produits sont capables de nourrir le sol sur le long terme pour une transition vers un modèle non-dépendant des engrais liés aux énergies fossiles.
Ces matières organiques sont abondantes, disponibles partout et pourtant elles sont évacuées, enfouies, réduites en cendres…
La valorisation des déchets alimentaires est encore loin d’être systématique en France. Si certains territoires précurseurs et engagés ont pris de l’avance et expérimenté des solutions depuis des années, la plupart des organisations concernées sont en retard, notamment dans les zones urbaines. En effet, 40% de ces déchets sont concentrés en ville, et pourtant aujourd’hui ils sont encore, à hauteur de 60%, incinérés ou bien enfouis avec le reste de nos ordures (Ademe, décembre 2022).
La réglementation va certes désormais dans la bonne direction et pose clairement les jalons depuis 2012, avec une accélération du calendrier grâce à l’Europe, mais nous avons maintenant besoin de faire société pour réaliser efficacement cette transition.
Aujourd’hui, seuls les professionnels qui génèrent plus de 10 tonnes par an sont soumis à l’obligation de trier à la source et de valoriser leurs déchets alimentaires. Malgré le risque d’amende de 75 000€, sans contrôle, encore beaucoup de gros producteurs ne sont pas en conformité.
Or à partir du 1er janvier 2023, ce seuil passera à 5 tonnes par an et concernera de nombreux établissements de taille moyenne, ce qui représente le service d’une centaine de couverts par jour pour un restaurant.
Plus encore, au 31 décembre 2023, donc dans seulement 391 jours, chaque citoyen, chaque entreprise, chaque institution aura l’obligation de trier à la source ses déchets alimentaires. Toutes les collectivités devront mettre à disposition de leurs administrés des solutions pour les trier et les valoriser. Offrir des composteurs de jardin aux citoyens volontaires ne suffira plus.
Il est temps de passer à l’action, de s’approprier tous ensemble cette pratique qui doit devenir aussi commune que d’acheter son pain, “faire son compost”. Il est temps pour les villes de préparer la transition de l’expérimentation à la généralisation. Il est temps de mettre fin à l’aberration de jeter des déchets alimentaires humides avec les ordures ménagères pour ensuite les incinérer, d’un côté ; et de faire appel à des intrants fertilisants, dépendants des énergies fossiles, en agriculture, de l’autre.
C’est le moment parfait pour transformer cette nouvelle exigence réglementaire en une opportunité. Nous avons tous la responsabilité individuelle et collective d’agir pour reconstruire, ensemble, les grands cycles naturels de la matière organique afin que l’agriculture puisse progressivement se passer des engrais azotés.
Éduquons à grande échelle les Français aux enjeux des sols. Et si les enfants apprenaient comment les sols fonctionnent comme ils apprennent les tables de multiplication ? Et si nos décideurs politiques se mobilisaient à l’échelle communale, régionale, nationale, européenne sur la question des sols pour qu’on les protège “quoi qu’il en coûte” ? La Journée mondiale des sols le 5 décembre est déjà une première marche en ce sens !
Remettons du lien entre les mondes urbain et agricole. Le compost peut jouer ce rôle. Transmettons les bons gestes de tri à tous les Français, pour produire un compost de qualité qui végétalisera et ainsi refroidira les villes, et fertilisera les champs.
Nous encourageons les collectivités territoriales à accélérer le déploiement du tri à la source. Nous soutenons chaque Français, qui donnera une impulsion supplémentaire à ce mouvement en accompagnant sa collectivité, son-sa patron-ne ou son responsable RSE (Responsabilité Sociale des Entreprises), sa famille et son entourage sur le tri de ses déchets alimentaires et le bon retour au sol du compost.
Soutenons par nos choix alimentaires, les agriculteurs qui mettent en place des pratiques respectueuses des sols, dans nos paniers de courses, dans nos cantines et partout où nous pouvons exprimer cette préférence.
Réinventons ensemble et maintenant la boucle aliments-terre.
Premiers signataires de la tribune :
Mickaël FLANDIN, Agriculteur exploitant GAEC Grains d’Ozon
Gilbert BARNACHON, Agriculteur exploitant céréalier
Marc-André SELOSSE, Biologiste et professeur au Muséum national d’Histoire naturelle et Institut Universitaire de France
Isabelle PETIOT, Vice présidente de la Métropole de Lyon
Jérémy CAMUS, Vice-président de la Métropole de Lyon
Paul LUU, Secrétaire exécutif de l’Initiative « 4 pour 1000 »
Claude BOURGUIGNON, Directeur du Laboratoire d’analyse Microbiologique des Sols (LAMS)
Claire CHENU, Inrae, AgroParisTech
Florian NOUVEL, Coordination et communication, Réseau Compost Citoyen
Alexandre GUILLUY, Co-fondateur et président, Les Alchimistes
Anne TROMBINI, Directrice générale de Pour une Agriculture Du Vivant
Jean ROGER-ESTRADE, Professeur d’agronomie, AgroParisTech
Michel CRESP, Président du Conseil de développement, Métropole Toulon Provence Méditerranée
François NOLD, Direction des espaces verts et environnement de la Ville de Paris
Marc BATTY, Directeur général & Fondateur de Fermes En ViE
Léon GARAIX, Directeur de l’Ecole Du Breuil
Clémence DELCROIX, Directrice & fondatrice des Petits Composteurs
Laure PARASOTE, Insertion maraîchage chez Terre de Milpa
Audrey CARPENTIER, Co-fondatrice des Éditions La Butineuse
Julie LENORMANT, Autrice du livre “Tous Alchimistes, réinventons la boucle aliments-terre”
Cédric LEVRAT, Directeur général de Racine
Hugues MOURET, Directeur scientifique de Arthropologia
Thomas LEMASLE, Fondateur d’ Oé
Baptiste ALGAYER, Pédologue chez Au fil du Sol
Jaela DEVAKARNE, Coordinatrice chez Isopolis
Nadia MALET, Associée chez Perma’kiltir Réunion
Samuel PASQUALON, Fondateur de Belle Étoile Environnement
Matthieu PICHON, Maître composteur chez Compost et Jardin
Yannick POYAT, Fondateur de Planisol
Augustin TEMPIER, Paysagiste chez Terre de Mars